Les Hortours – chapitre 4

A lire gratuitement le roman science-fiction de Patrick Huet.

Roman de science-fiction les Hortours, de Patrick HuetInédit. Ci-dessous le quatrième chapitre du roman de science-fiction « Les Hortours » . Ce chapitre 4 s’intitule « Les griffes de la nuit » .

Pour découvrir le premier chapitre du roman et la genèse de cette histoire, cliquez sur « Les Hortours, chapitre 1 » .

Ce chapitre est publié avec l’autorisation de l’auteur (texte soumis à copyright).

Plan de cette page.

1- Note d’explication.

2- Résumé des épisodes précédents.

3- Début de la lecture.

4- Où acheter ce livre ? Pour ceux qui le souhaitent.

Ceux intéressés par le livre papier peuvent se procurer ce roman par le lien suivant : « roman de science-fiction » (lien à cliquer).

1- Note d’explication.

Le roman « Les Hortours – dans l’enfer de la jungle » est diffusé ici par chapitre.

L’auteur lui-même (Patrick Huet) est à l’origine de cette initiative, car il désirait que ses lecteurs aient la possibilité d’accéder librement à plusieurs de ses romans.

Copyright.

Ce livre est donc en lecture libre sur notre site sans aucun droit à payer. Il reste cependant toujours sous la règle du copyright. Vous ne pouvez pas reproduire ce chapitre sans autorisation de l’auteur.

Si vous souhaitez que d’autres personnes puissent le lire, communiquez-leur simplement le lien de cette page.

Exception pour les enseignants.

Patrick Huet les autorise à reproduire ces chapitres et à les communiquer à leurs élèves (sous forme papier ou numérique) à la seule condition que ce soit dans un cadre scolaire et bien sûr gratuitement.

2- Résumé des épisodes précédents.

Sur une lointaine planète, une tour immense fut érigée pour accueillir l’ensemble des habitants, près de 200 000 personnes.Une tour, en forme de cône tronqué, de 5 km de hauteur sur une base au sol de 50 km² et une terrasse au sommet de 10 km².

La tour a été conçue pour que les résidents y vivent en autarcie. Elle comporte à cet effet de longues salles d’exploitation et de culture.

Un jour, la Guilde des savants conduite par Samra voulut prendre le contrôle et le pouvoir absolu de la gérance de la Tour. Elle requit l’aide d’Elarac, chef de la garde armée qui protégeait la cité. Toutefois, Elarac joua sa propre carte. Il s’empara du pouvoir, élimina la plupart des membres de la Guilde et plaça ses propres hommes aux manettes. Il

Par la suite, il appliqua le plan initial des savants, à savoir diffuser une drogue de soumission à l’ensemble de la population (hormis les dirigeant et les membres de la milice), substance qui maintenait les résidents en état de sujétion.

Lors de cette prise de pouvoir, plusieurs groupes se sont rebellés et ont refusé la nouvelle autorité de la Tour. On les appelle « Les Hortours » .

Ils se sont éparpillés dans les salles les plus reculées de la Tour, toujours recherchés par la Garde noire du Dictateur. Un de ces groupes s’est réfugié sur l’immense terrasse du sommet devenu inaccessible quand les derniers étages se sont effondrés.

La milice du dictateur, ne les voyant plus nulle part et devant s’occuper des habitants de plus en plus apathiques, avait relâché sa traque jusqu’au moment où, ils découvrent par hasard un de ces Hortours, mort récemment et vidé de son sang, l’oeuvre d’une de ces chauves-souris géantes et vampires qui s’étaient échappées du zoo désormais abandonné.

Le dictateur, alerté, ordonna la reprise de la traque des Hortours. Tandis que Samra, le chef de la Guilde, dont les déplacements étaient limités cherchait un moyen d’éliminer Elarac et prendre le pouvoir pour lequel il l’avait engagé.

Loin delà, dans la jungle, Vaaxor rencontra en rêve Lahiline, une jeune fille du clan des Hortours et considérée par les siens comme une déesse, car possédant le pouvoir de parler aux plantes.

3- Début de la lecture. Ici, commence le chapitre 4.

(Ce chapitre est sous copyright et ne peut être reproduit sans l’accord de l’auteur.)

Titre du chapitre : Les griffes de la nuit

Très loin de la Tour et de ses funestes habitants, un homme aux cheveux bruns ajustait un sac de cuir sur son épaule.

Il s’approcha du rebord d’une grotte et jeta un coup d’œil sur le sol cinquante mètres plus bas. Des monceaux de plumes inondaient la rocaille, derniers vestiges de l’aigle géant qu’il y avait projeté la veille. Des charognards s’étaient occupés des restes. Le serpent constricteur lui aussi avait disparu. Des carnassiers devaient ronfler le ventre plein désormais.

Le Xac avait-il festoyé en compagnie de ses confrères ? Vaaxor le souhaitait sans conviction. Au fond de lui, il savait que cela n’avait que peu d’importance. Un Xac, repu ou pas, n’abandonnait jamais sa proie. C’était dans sa nature même de s’y accrocher, et sa férocité dépassait celle d’un tigre. Pas question de descendre à moins de disposer de lances et de pouvoir les jeter en toute sécurité.

Vaaxor scruta le terrain rocailleux puis la forêt un peu plus loin. Aucun fauve en vue ! Un Xac ne s’éloigne pourtant jamais de sa proie ! Que penser ?

Il haussa les épaules. D’autres priorités l’animaient. Maintenant que le soleil brillait de nouveau, ses rayons avaient dissipé les rêves embrumés de la nuit. Vaaxor ne se rappelait plus très bien ce qui s’était passé dans ce rêve, hormis qu’il devait se mettre en quête de quelqu’un ou de quelque chose. Il se souvenait d’une sorte de montagne ronde semblable à un tronc d’arbre, percée de trous carrés, et d’où émanait une drôle de sensation comme si une foule d’êtres l’habitait. Il en ressentait encore l’urgence absolue de s’y rendre.

Mais où la chercher ? De quel côté diriger ses pas ? Jamais il ne la trouverait dans cette jungle immense qui se déroulait sous ses yeux et qui s’étendait à l’infini, autant à sa droite qu’à sa gauche.

La solution se présenta, claire, évidente ! Au sommet de la falaise, sa vue se projetterait sur une très longue distance. Si une telle montagne cylindrique existait, il la verrait aussitôt.

Ses mains agrippèrent les aspérités de granit et il commença une dure ascension.

Tout en bas, tapi au milieu des fourrés, un grand corps fauve s’anima, très légèrement, juste le frémissement de muscles puissants. Le corps ne bougea pas de place, seule la tête se releva. Les yeux jaunes aux pupilles fendues suivaient la marionnette qui s’agitait sur la falaise et s’élevait progressivement.

Vaaxor mit près d’une heure pour atteindre la crête. L’épreuve s’était avérée particulièrement difficile dans les vingt derniers mètres. Les aspérités se rétrécissaient, les prises se raréfiaient. À plusieurs reprises, il manqua de glisser, parvenant à se rétablir de justesse. Il n’osait même plus regarder le sol de peur que le vertige ne le saisisse. Quand arriva enfin le sommet et que ses mains accrochèrent l’herbe rêche des hauteurs, il poussa frénétiquement sur ses pieds et, dans un ultime effort, effectua un rétablissement sur le toit de la falaise. Il resta un long moment allongé, occupé uniquement à reprendre son souffle.

Il se releva ensuite et observa les environs. Il était sur un plateau qui présentait un léger dénivelé et, à ce niveau, la jungle foisonnait autant qu’à huit cents mètres en contrebas.

Son regard dessina un large demi-cercle, détaillant chaque élément du paysage. De l’herbe sèche et raide partait de l’arête de la falaise, là où une très mince couche de terre couvrait la roche. Cette fine pellicule s’épaississait à mesure qu’elle s’éloignait du rebord favorisant la végétation qui se densifiait également.

Ses pupilles se fixèrent soudain sur une tache plus claire que les autres sur sa droite, dans la ligne bleutée de l’horizon. Une tache en forme de bâton ventru. Le soleil s’y réfléchissait en de nombreux points minuscules.

– La voilà ! La montagne !

Il se ravisa.

– Non. On dirait plutôt un arbre géant qui aurait été coupé au milieu. Le sorcier racontait parfois que certains peuples habitaient de grands arbres creux. Celui-là est énorme. Plusieurs tribus pourraient s’y loger. Je suis sûr que j’y trouverai des gens à l’intérieur. Maintenant, allons-y ! Il faut me dépêcher. D’après ce que j’ai vu, un long chemin m’attend avant que je m’appuie à l’écorce de cet arbre-maison.

Il s’éloigna obliquement du rebord de la falaise. Huit cents mètres plus bas, deux pupilles fendues observaient son déplacement sur la droite. Elles guettèrent quelque temps, avides, féroces et attentives, puis ne revoyant pas la silhouette réapparaître, en tirèrent la conclusion qui s’imposait.

Le grand fauve jaillit souplement des taillis et glissa sur la droite le long de la ligne verte des arbres. La démarche puissante, il filait comme un trait jaune, son regard n’abandonnant jamais la crête de la falaise.

Une fois sur le plateau, Vaaxor posa machinalement un voile d’oubli sur ce qui existait en contrebas – ses habitants, ses dangers. Le Xac ? Volatilisé ! Le rempart de granit lui ôtait toute importance. Le jeune homme avança donc à trots soutenus dans la direction de ce qu’il appelait l’arbre-maison. Il courut ainsi jusqu’au soir. À l’approche du crépuscule, il choisit un arbre de hautes ramures pour y passer la nuit. Bien que la faune du plateau parût moins nombreuse que dans la vallée, il avait remarqué des empreintes de différents types de fauves.

Il sortit un des œufs de l’aigle et en brisa la coquille. L’œuf, cuit dans son propre nid, était dur et nourrissant. Il l’avala tout entier. L’arbre-maison élevait son fût mystérieux contre la voûte obscurcie. De son poste, Vaaxor voyait les petits trous carrés et minuscules briller en de multiples endroits.

– Seuls des hommes allument des feux. Ce tronc d’arbre géant est donc bien habité. Si j’en juge par le nombre de foyers, ils sont très nombreux. Comment vont-ils m’accueillir ?

Mais surtout qu’allait-il leur dire ?

De son rêve la nuit précédente, il n’en persistait que des lambeaux. Les échos lointains d’une voix féminine résonnaient encore au fond de sa mémoire. Rien de précis, cependant. Pas de mots, pas de visage… ni même de forme. Juste une chevelure qui chatoyait sous l’éclat intense du soleil. À part cela…

– Je dois être fou ! Quel intérêt ai-je de me rendre chez ces inconnus ? Au lieu de me reconstruire une hutte pour m’abriter des prédateurs de la jungle.

Tout simplement parce qu’une urgence le pressait et lui taraudait l’estomac. Et comme il n’avait pas l’habitude de s’interroger longuement sur ses sentiments et sur les élans qui le traversaient, il se figea sur sa décision. Il irait chez ce peuple ! En courant, il y parviendrait au milieu de la journée.

Il passa une nuit agitée de périodes de somnolence et de courts sommeils coupés d’alertes vives. Une fois même, il dut repousser à la hache l’ascension d’une panthère. La bête feula de rage, mais située au-dessous de Vaaxor, elle ne pouvait ni progresser ni frapper. La pierre lui martela les pattes. La panthère cracha de fureur puis, comprenant qu’elle risquait sa propre vie, effectua un demi-tour à la recherche d’une proie plus facile.

Au moment où la chasseresse reculait, un autre fauve plus imposant s’immobilisait face à une trouée dans la falaise là où un grand pan de roches s’était effondré sous l’action des intempéries. Malgré la pente abrupte et l’instabilité des rochers, le Xac s’y précipita sans une seule hésitation. Dix minutes plus tard, ses jarrets le propulsaient au sommet de l’escarpement. Alors, il reprit son déplacement souple sur sa gauche, vers le point où sa proie s’était tenue dix heures plus tôt.

**

L’aube effaça les horreurs de la nuit. Un soleil doré se leva très lentement à l’horizon. Vaaxor mangea le deuxième œuf d’un bel appétit.

Le même appétit tenailla l’estomac du Xac lorsqu’il atteignit le point exact où Vaaxor s’était allongé après son escalade. Son odeur imprégnait l’herbe et filait à travers la jungle en une traînée parfumée. Le Xac feula et ce fut là le seul son qu’il émit depuis le début de sa chasse. Un cri de victoire !

Il bondit vers la jungle. Ni sa poursuite un jour durant ni ses deux nuits blanches n’avaient entamé ses forces. Il s’enfonça dans la forêt à une vitesse impressionnante.

**

Vaaxor se hâtait lui aussi quoiqu’à une allure beaucoup plus réduite. Cependant, comme le fauve, il se dirigeait vers son but, même s’il en ignorait la raison. Il se coula deux heures durant entre lianes et humus. La jungle se déboisait au fur et à mesure de sa progression jusqu’à une prairie parsemée de bosquets plus ou moins denses.

« L’arbre-maison ! Quelle taille ! Il touche presque le ciel. »

Ce n’était pas un tronc d’arbre ainsi qu’il l’avait cru au premier abord, non plus une montagne, et les longues suites de trous qui enrubannaient l’étrange cylindre étaient trop similaires pour qu’une main humaine ne les ait pas façonnées.

– Une hutte de pierre ! Il arrivait au sorcier d’en parler, mais jamais des huttes de cette hauteur. Des hommes n’ont pu fabriquer ça, c’est impossible !

Aucune voix ne s’élevant pour répondre à son exclamation, il reprit sa course.

**

Au milieu de la jungle, le Xac ne ralentissait pas. Il venait de renifler l’arbre où Vaaxor avait passé la nuit. L’odeur fraîche de sa proie raviva ses ardeurs. Il accéléra son allure.

**

La prairie aux bosquets finit brusquement. Un trait net séparait l’herbe d’une terre sèche et aride. Pas un brin d’herbe ni de mousse ne s’aventurait au-delà de cette ligne. Pas un oiseau non plus ne s’y arrêtait. Aucune empreinte d’animaux ne s’y détachait. C’était comme si la vie s’était retirée de cet endroit pour ne plus jamais y revenir. Le sol brun étendait son tapis dénudé sur près d’un kilomètre, de la prairie herbeuse jusqu’à la gigantesque hutte de pierre.

Vaaxor rajusta ses vêtements de cuir brut et foula ce nouveau terrain de son pas régulier. Son cœur sonnait dans sa poitrine. Quels seraient ses premiers mots aux habitants de cette hutte ? Comment l’accueilleraient-ils ? Étaient-ils différents de lui ?

La silhouette de Vaaxor illumina un écran à l’intérieur de la Tour tandis qu’une sonnerie bourdonna. Le fait en était si incongru que les sentinelles en uniformes noirs rayés d’argent ne réagirent pas aussitôt. Leur regard ne se détachait plus de l’écran. Ils le contemplaient stupidement.

– Par tous les démons, qu’est-ce que c’est ? s’exclama enfin l’un d’eux.

Le deuxième répondit sèchement.

– Un homme, tu le vois aussi bien que moi !

Irrité, le premier reprit la parole.

– Évidemment, nos caméras le montrent clairement. Ce que je veux dire, c’est qu’il n’est pas de notre monde. Regarde ses habits, des peaux de bêtes tannées et mal taillées ; et la hache à sa ceinture, de la pierre sans aucun doute… Quel type d’individu est-ce là ? Jamais depuis les dix ans que nous travaillons à ce poste de garde, nous n’avons vu quelqu’un traverser la zone stérilisée. Même les animaux ne s’y engagent pas.

– Il vient d’au-delà de la prairie, de la jungle.

– Personne ne peut vivre là-bas ! Prévenons Zortac immédiatement !

Il tendait sa main vers la visionneuse quand son collègue le retint par le bras.

– Attends, rien ne presse.

– Comment cela ? Nous avons pour ordre d’assurer la sécurité de la Tour. Nous sommes postés à son entrée principale pour la protéger d’une éventuelle intrusion. L’approche de cet homme doit être signalée.

– Je suis d’accord avec toi en ce qui concerne la sécurité de la Tour. Mais pourquoi se hâter d’en informer Zortac alors que nous pouvons le neutraliser nous-mêmes ?

Prévenant le mouvement de protestation de son collègue, il expliqua.

– Zortac a promis une forte récompense à ceux qui abattront un de ces Hortours. La récompense doublera si le Hortour est ramené vivant. Et rappelle-toi le bonus qui va avec.

– Une esclave à vie.

– Oui ! Une de ces jolies filles abruties par les drogues à notre service pour le reste de notre vie. Cela ne te plairait pas ?

– Si ! Mais cet homme n’est pas un de nos rebelles.

– Qui d’autre que nous le sait ? Sa peau n’émet pas de reflets bleus, ce qui est normal. Là où il vit, il n’est pas soumis comme nous à l’obligation de prendre des pilules colorantes. Nous pourrons donc aisément le faire passer pour un Hortour. Accueillons-le à bras ouverts. Nous l’assommerons dès que sa méfiance sera endormie. Tâchons de ne pas l’abîmer. Tu l’emprisonneras dans ce filet pour éviter le combat. Inutile d’attraper un mauvais coup. Une fois K.O. nous l’habillerons de quelques-uns de mes vieux vêtements et nous le présenterons à Zortac pour ce qu’il est manifestement, un Hortour égaré au rez-de-chaussée. Personne ne croira à son histoire de jungle, ils le questionneront tellement qu’il finira par leur dire ce qu’ils voudront entendre, c’est-à-dire qu’il est un Hortour et qu’il vivait dans les caves en chapardant de la nourriture. Quant à nous deux, Zortac nous donnera la récompense promise.

– Et à nous la belle vie !

**

À deux cents mètres du pied de la Tour, un grillage de vingt mètres de haut, épais de trente centimètres, crépitait. Des étincelles jaillissaient par intermittence et caracolaient le long des fils en farandoles agressives. Vaaxor la voyait se hérisser entre lui et son objectif.

Il courait en biais vers le portique lumineux qui encadrait un grand rectangle sombre. L’entrée de la hutte, pensait-il, car aucune autre issue ne se présentait à sa vue.

Les rectangles qui renvoyaient la lumière du soleil prenaient naissance à cinq mètres du sol et s’étiraient en une ligne continue autour de la paroi. Une autre ligne identique se dépliait trois mètres au-dessus, et ainsi de suite jusqu’à une hauteur ahurissante.

Les étincelles sur le grillage s’éteignirent subitement et ne réapparurent plus.

Comme il parvenait au rempart, un grincement monta sur sa droite. Des claquements suivirent puis, une portion du grillage se détacha et s’ouvrit de la même manière que la porte d’une hutte.

Deux hommes vêtus de noirs rayés d’argent sortirent de l’immense arbre-maison, un bâton plat et brillant accroché à la ceinture. L’un d’eux tenait quelque chose ressemblant à un sac. Les deux hommes levaient les mains en signe de bienvenue, un grand sourire sur les lèvres.

Vaaxor leur sourit en retour et s’approcha.

À moins d’un kilomètre, le Xac, nez près du sol, hésitait. Des effluves mortels se dégageaient de la terre. L’odeur de sa proie se promenait parmi elles. Et cette odeur excessivement fraîche lui tiraillait l’estomac. Alors, il s’élança. Ses pupilles étroites discernaient au loin la silhouette mouvante qu’il chassait.

Vaaxor s’arrêta à dix pas des hommes en uniforme, et dont la peau luisait d’un étrange reflet bleu, ne sachant que dire. Le plus petit des deux prit la parole.

– Bienvenue à la Tour, voyageur.

– La Tour ? Est-ce le nom de cette hutte de pierre ?

– Une hutte ?… Oui, si tu veux. Ici, nous l’appelons la Tour. Entre donc te reposer, tu dois être fatigué.

Vaaxor les rejoignit.

Tandis qu’il avançait, son hôte continuait à discourir, vantant les mérites de la Tour, ses deux mille étages, ses pièces innombrables. Le plus grand, celui qui portait le drôle de sac, s’effaça pour le laisser passer. Quelqu’un d’ordinaire n’eût pas réagi alors, mais Vaaxor, élevé dans la jungle, sentit un danger subit. L’homme venait de projeter son sac ou plutôt une large toile percée de trou comme le grillage devant la Tour.

D’un bond sur le côté, Vaaxor l’évita. Toute amabilité disparut soudain du visage des deux gardes. Ils se jetèrent ensemble sur leur adversaire.

Vaaxor esquiva le poing qui visait sa mâchoire, mais pas celui qui frappa son estomac. Il en eut le souffle coupé. Néanmoins, il en para un troisième et, d’un croche-pied, fit tomber le plus grand de ses agresseurs. L’autre, bien que plus petit, présentait toutefois une carrure plus imposante que la sienne. Il l’empoigna par le col, et tous deux roulèrent sur le palier dans un corps à corps acharné. Son compagnon se releva et saisit la tête de Vaaxor dans le but manifeste de l’étrangler.

Un rugissement effroyable explosa subitement.

– Le Xac ! s’exclama Vaaxor à demi étouffé.

Le grand fauve venait de franchir le grillage et faisait acte de propriété. Il fendit les airs à une vitesse incroyable.

Le premier des gardiens, hébété, balbutia.

– C’est, c’est un…

Ils avaient tous cessé de bouger. Devant l’inconcevable développement de puissance qui se détendait vers eux, la stupeur les paralysait. Le plus petit des gardes réagit enfin.

« À l’aide, vite ! » cria-t-il en actionnant sur sa visionneuse un bouton rouge.

Une alarme stridente retentit à l’intérieur et à l’extérieur de la Tour.

Mais déjà, le fauve se trouvait à cinquante mètres. Moins de deux secondes plus tard, il était sur eux dans un bond gigantesque.

Vaaxor s’était tenu immobile derrière le bras de son agresseur. Le Xac ne s’intéresserait pas aux deux autres, sinon comme un obstacle à sa proie véritable : c’est-à-dire lui ! Il avait donc attendu que le fauve fût assez près, pour agir. Ainsi qu’il l’avait prévu, le Xac se jeta d’abord sur les deux gardes qui se dressaient entre lui et sa proie. Vaaxor se saisit du filet et, d’un rapide mouvement circulaire, l’envoya sur la bête.

Le Xac avait bondi à dix mètres de lui et avec une telle puissance qu’il ne pouvait plus dévier sa trajectoire. Il s’empêtra dans le filet que Vaaxor, maintenant debout, continuait à relever et à affirmer sur lui.

Quelque part, un haut-parleur hurlait : « Alerte rouge, alerte rouge ! Intrusion entrée ouest ! », tandis que le Xac rugissait dans le filet et que ses crocs en mordaient les mailles.

Les deux gardes sortirent leur sabre et l’abattirent sur le fauve. Malgré l’entrave du filet, ce dernier se tortilla si bien qu’il évita les coups. Dans le même temps, Vaaxor empoigna sa hache. Des bruits de bottes crissèrent dans son dos.

Une dizaine d’hommes, en noir eux aussi et à la peau également bleutée, surgirent au-dehors. En voyant cet inconnu en habits de peaux, et donc étranger à la Tour, le premier de la troupe s’élança vers lui. La hache de pierre arrêta la lame d’acier. Des éclairs jaillirent du choc. Le garde noir frappait vite et fort. N’eût été sa rapidité acquise dans la jungle, Vaaxor aurait déjà été défait. Deux autres sabres se levaient pour se joindre au premier.

Un cri d’horreur les immobilisa.

Le plus grand des gardiens, auprès du Xac, venait de rater une nouvelle fois la bête et les griffes lui avaient entaillé le bras. Le plus petit hurla :

– Aidez-nous, bon sang ! Il va sortir du filet et nous tuer !

Toute la troupe se précipita sur le Xac : un fauve haut d’un mètre cinquante, bien qu’empêtré dans un filet, constituait un adversaire autrement plus redoutable qu’un simple sauvage vivant à l’âge de pierre.

Vaaxor les laissa à leur jeu et s’élança dans la Tour.

La sirène avait cessé son vacarme. Seuls les haut-parleurs continuaient à diffuser : « Alerte rouge ! Intrusion entrée Ouest ! » Il ne comprenait pas d’où venait cette voix qui résonnait de toutes parts ; il courait au hasard dans un couloir.

Des bruits de course qui se rapprochaient… Il bifurqua sur la gauche, entra dans une pièce, en referma la porte, sortit par une autre, et se retrouva dans un nouveau couloir.

Il se plaqua soudain contre un mur. Un homme traversait le couloir, vingt mètres devant lui. Il portait une combinaison grise et ne courait pas, à l’inverse de ceux vêtus de noir. Instinctivement, Vaaxor saisit la différence de classe entre ces deux catégories. Ceux en noir étaient des prédateurs, comme les tigres ou les Xac, tandis que celui-ci, en gris, ne semblait s’intéresser à rien. Il marchait le front baissé sans même l’avoir aperçu.

Vaaxor l’observa entrer dans une ouverture encadrée de rouge et presser des petites pointes étincelantes fixées à une paroi. Une lumière abondante irisa l’homme en gris, lequel monta dans les airs sans que rien ne le tirât et sans que rien ne prît assise sous ses pieds.

Les yeux de Vaaxor s’agrandirent. Comment pouvait-on voler de cette façon, sans ailes et sans bouger ?

Des claquements résonnèrent dans le couloir : les pas des hommes en noir ! Il se glissa dans la pièce la plus proche et referma la porte – pas entièrement toutefois, il conserva un faible jour afin de voir ce qui se passait.

Une troupe dépassa son abri à toute allure sans y porter la moindre attention. Quant à lui, il observait toujours l’étrange ouverture ornée de rouge.

À l’entrée ouest, un grand brouhaha agita soudain la centaine de gardes noirs. Un gradé au visage large, à l’ossature carrée, venait d’apparaître accompagné d’une forte escouade. Le crâne rasé et l’imposante carrure firent taire les conversations.

La voix de Zortac tonna sous le porche.

– Où sont les sentinelles ? Je veux des explications immédiates !

Le groupe se divisa aussitôt, laissant paraître deux des leurs à la mine penaude. Le plus grand tenait son bras droit qu’il essayait vainement de panser.

– Des explications, vite !

Le plus petit chevrota :

– Un… un intrus… un homme sauvage…

– Parle ! Où est-il ? Est-ce lui qui vous a blessé ?

– Oui… enfin, non… c’est sa bête. Un fauve, un Xac comme il l’appelle…

– Où est le cadavre de l’intrus ?

– Il… n’y en a pas… Il… il est entré dans la Tour.

Le regard de Zortac s’emplit de fureur. Le garde crut qu’il allait le tuer.

– Nous verrons cela plus tard ! Pour l’instant, occupons-nous de l’intrus. Il n’a pas pu s’enfoncer bien loin.

Après en avoir obtenu une description sommaire, Zortac s’engouffra dans le poste de contrôle et appuya sur la touche d’un micro. Sa voix rude retentit dans les haut-parleurs.

– Un intrus vient de pénétrer dans la Tour. Entrée Ouest – secteur 8. Que tous ceux qui résident dans les cinq premiers niveaux se tiennent en alerte et préviennent les gardes noirs à la moindre anomalie !

Il lâcha le micro, prit sa visionneuse et composa un certain numéro.

– Que toutes les patrouilles stoppent leur mission en cours et fouillent chaque étage de chaque pièce du niveau 1 au niveau 5, du secteur 6 au secteur 10. Exécution immédiate !

Son regard tomba sur la sentinelle blessée.

– Que l’on soigne cet homme et qu’on l’amène au Quartier Général avec son collègue !

Son compagnon d’armes, la figure inquiète et la lèvre tremblante, murmura :

– Nous avons aussi un autre problème. La bête a réussi à s’enfuir. Nous l’avions prise dans un filet, mais nos sabres l’ont ratée, à la place, ils ont coupé des mailles et…

– Quoi ? Un fauve dans la Tour !

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