Coup d’arrêt contre la surveillance des conversations sur la voie publique

Le dispositif était présenté comme la détection des sons et des bruits anormaux (Audio-Surveillance Algorithmique – ASA), mais nous ne sommes pas des naïfs, nous ne savons bien que les dirigeants se moquent totalement des « sons », ce qui les intéressent, c’est de savoir ce que les gens se disent (dans la sphère privée comme dans l’espace public).

Ainsi donc, après la ville de Saint-Etienne qui voulait (en 2019) capter tous les sons de l’espace public (par des dispositifs électro-numériques) et qui fut stoppée par la CNIL, c’est la ville d’Orléans qui a entrepris en 2021 une telle audio-surveillance.

Toujours sous le prétexte de « protéger » la population, qui commence à en avoir assez qu’on veuille absolument les protéger de tout, sauf des véritables criminels.

Ceci bien sûr en garantissant qu’il ne s’agirait que de l’écoute des bruits d’alarme. Comme si nous ne savions pas que les voix humaines sont des sons comme les autres, et qu’en captant les sons de l’espace public, on capte forcément les voix humaines, c’est-à-dire les conversations.

Audio-surveillance déclarée illégale par la CNIL.

Grâce à La Quadrature du Net (et ses avocats), l’audio-surveillance de l’espace publique (dite Audio-Surveillance Algorithmique – ou ASA) est déclarée illégale par la CNIL.

Voici le compte-rendu de la Quadrature (source : Lien de la Quadrature.) émanant de leur site.

Audiosurveillance algorithmique à Orléans : la CNIL donne raison à La Quadrature sur l’illégalité du dispositif

Article du 30 septembre 2023 (par sur le site de la quadrature du Net

En 2021, La Quadrature du Net avait attaqué un dispositif d’audiosurveillance algorithmique déployé à Orléans dans le cadre d’une convention avec l’entreprise de surveillance Sensivic. Cette semaine, la CNIL vient de nous donner raison en soulignant l’illégalité de ce dispositif technopolicier.

En 2021, la ville d’Orléans concluait avec une startup locale, Sensivic, un contrat pour expérimenter une nouvelle forme de surveillance policière de l’espace public : l’audiosurveillance algorithmique (ASA). Comme ce qui avait été tenté à Saint-Étienne, le projet consistait à déployer des « détecteurs de sons anormaux » (c’est-à-dire des « mouchards ») sur des caméras de surveillance.

L’ASA est un des composantes de la Technopolice qui s’affirme sur le territoire français, aux côtés de la vidéosurveillance algorithmique (VSA), des drones ou de la reconnaissance faciale. Il est essentiel de la freiner et de la combattre partout où elle se déploie. C’est la raison pour laquelle nous avions donc attaqué la convention entre Orléans et Sensivic, aussi bien devant la justice administrative que devant la CNIL. C’est aujourd’hui que la CNIL, après plus de deux ans d’instruction, vient de nous donner raison.

Pas d’oreilles pour les caméras

La CNIL vient ici rappeler ce qu’elle avait déjà dit à Saint-Étienne. En effet, en 2019, avec l’aide de l’entreprise Serenicity, Saint-Étienne avait envisagé un projet similaire de surveillance sonore : la CNIL avait déjà à l’époque considéré qu’il est illégal de capter des sons dans l’espace public pour améliorer la vidéosurveillance.

Le projet orléanais que nous avons attaqué prévoyait bien lui aussi une analyse automatisée de tous les sons de l’espace public dans l’objectif d’aider les caméras à repérer certains comportements suspects. Malgré tout ce qu’a pu baratiner Sensivic dans le cadre de notre contentieux, la CNIL rappelle le droit : ce dispositif de micros, couplé à la vidéosurveillance, est illégal car le droit existant ne permet en aucun cas une telle surveillance.

Après Saint-Étienne, une telle décision à Orléans permet au moins de clarifier les choses et de mettre un frein, aussi petit soit-il, à l’industrie de la surveillance qui cherche par tous les moyens à revendre ses logiciels de surveillance de masse.

La CNIL relègue l’ASA au rang de technologie inutilisable

Cette position de la CNIL est néanmoins décevante.

D’une part, alors qu’il ne s’agissait que de l’application stricte d’une décision déjà prise dans le passé à Saint-Étienne, la CNIL a mis presque trois ans à instruire ce dossier et à prendre une décision. Trois ans pendant lesquels l’ASA a pu se normaliser et se développer. Trois ans de gagnés pour la Technopolice. Notons que nous sommes d’ailleurs toujours en attente de la décision du tribunal administratif sur ce même dossier.

D’autre part, la CNIL limite son raisonnement à la question du couplage de l’ASA avec la vidéosurveillance. A contrario, elle considère que, lorsque l’ASA n’est pas couplée à de la vidéosurveillance, il pourrait ne pas y avoir de traitement de données personnelles. Cette analyse de la CNIL, bien que sans conséquence pratique, reste très contestable juridiquement. En bref, elle semble laisser une marge à l’industrie de la surveillance sur la question de l’analyse automatisée des sons.

Considérer qu’il n’y a de traitement de données personnelles que lorsque l’ASA est couplée avec un dispositif de vidéosurveillance (ou n’importe quel un mécanisme d’identification des personnes) est juridiquement contestable. Mais cela n’a pas de conséquence pratique directe : l’objectif de l’ASA est bien de connaître la source d’un bruit, c’est-à-dire d’être couplée à un autre dispositif. Ce « complément naturel à l’image dans les systèmes de sécurité et de vidéosurveillance », pour reprendre les mots de Sensivic, est bien illégal.

Cette victoire devant la CNIL est une bonne nouvelle. Au tour de la justice administrative, désormais, de rendre sa décision. Il est urgent, aujourd’hui, de mettre un terme définitif à ces projets de surveillance sonore. Alors pour nous aider à continuer la lutte, vous pouvez participer à documenter cette surveillance ou faire un don. à la Quadrature.

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