Entretien avec Corléoné un des parrains de la mafia.
Quand Patrick Huet eut l’idée de s’entretenir avec Corléoné, le chef redouté d’une famille de la mafia, son entourage lui conseilla vivement d’abandonner ce projet. Corléoné est une célébrité, certes, mais dans le domaine du crime organisé, et ceux qu’il n’apprécie pas ou qui le contrarient voient leur existence s’abréger dans les jours qui suivent.
Malgré le danger qu’il courait d’interroger une personne aussi inquiétante, l’écrivain persista dans son initiative. Voici donc le compte-rendu de cet entretien.
Début de l’entretien avec Corléoné.
Patrick Huet : Bonjour Monsieur Corléoné. Je suis ravi d’avoir l’occasion de discuter avec vous.
Corléoné : Bonjour’no amico… ou plutôt ennemi-co. Car cela ne m’a pas fait plaisir du tout d’apparaître dans un de tes romans.
Patrick Huet : Vous parlez certainement de mon livre « Pénélope ou le mystère des trois vertus ». C’est vrai que dans ce roman je ne vous ai pas réservé le plus beau rôle.
Corléoné : Pas le plus beau rôle ? Mais tu m’as fait passer pour une fripouille de dernier niveau. Par le sang de ma mère, je ne sais pas ce qui me retient de te tirer une balle !
Patrick Huet : Ne nous énervons pas, Corléoné. Parlons plutôt de ce qui vous a amené à Lyon. On dit que c’est l’appât de l’or.
Corléoné : Qui a dit ça ? Où est-il ce fils de sangsue ? Ah ! Je vais lui apprendre l’appât des balles de mon magnum. Qu’on le sache, le grand Corléoné n’est appâté que par la bienveillance. Je vais te dire ce qui s’est passé. J’ai appris qu’un vieux Canut avait découvert une méthode pour que les bombyx (les vers à soie) fabriquent du fil d’or au lieu de produire du fil de soie ordinaire. C’était un vieillard, il avait donc toutes les chances de mourir rapidement et il aurait alors emporté son secret dans sa tombe. Un secret qui aurait pu être utile à toute la planète. N’écoutant que mon bon coeur, j’ai quitté mon opulent manoir, sauté dans une voiture avec deux amis et roulé à toute vitesse vers Lyon. Je voulais seulement persuader ce vieillard de me communiquer son secret pour le bien de toute l’humanité.
Patrick Huet : Et aussi le vôtre, je présume.
Corléoné : Mensonge que cela ! Cela m’aurait coûté beaucoup, au contraire. Parce que, pour lancer la fabrication de ces cocons au fil d’or, il aurait fallu que j’investisse dans l’achat de terrains, dans la main d’oeuvre pour planter les mûriers, s’occuper de bombyx… Tout cela représente de l’argent. Alors, c’était bien naturel que je me dédommage d’abord de mes frais avant de penser aux autres.
Patrick Huet : Et ensuite ? D’après ce que j’ai compris, l’exploitation de ces fils d’or aurait conduit à une fortune considérable. Qu’auriez-vous fait par la suite une fois vos frais remboursés ? L’auriez-vous distribué à des organismes de charité ?
Corléoné : Il y a un adage qui dit « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Donc, j’aurais commencé par me faire la charité à moi-même en m’achetant un yacht et en confortant mes réserves financières, puis la charité à mes filles en leur offrant une belle demeure à chacune. Puis la charité à mes frères, puis à mes cousins, puis…
Patrick Huet : Oui, oui… je vois.
Corléoné : C’est de la bienveillance bien ordonnée. On ne peut pas donner à tout le monde tout de suite. On commence par soi-même et sa famille. Pour les autres, il faut prendre le temps de la réflexion et ne pas se précipiter.
Patrick Huet : Et l’affaire de la Tête d’Or ? N’allez pas me dire que c’était de la bienveillance quand vous l’avez volée à une des confréries qui habitent dans les souterrains de Lyon ?
Corléoné : Par le sang de mes os ! Mais il m’insulte, l’écrivain ! Apprends donc que ce sont les punks qui l’ont volée, pas les hommes de Corléoné ! Ceux de la mafia ne trempent pas dans le vol. Ils veulent juste aider leurs contemporains qui ont des problèmes. Nous avons croisé une bande de punks désemparés. Ils venaient juste de voler une tête en or massif. D’apprendre que cette sculpture ancienne valait une fortune dépassant l’imagination, cela les a foudroyés. Ils ne savaient plus quoi faire avec et se lamentaient comme des enfants. On ne pouvait pas les laisser comme ça, on est des humains quand même ! Pour les aider à sortir de cet embarras et les décharger de ce fardeau, je leur ai proposé de prendre la sculpture. Je leur ai offert une petite liasse de billets pour les soulager de leur chagrin et pour leur offrir un avenir un peu plus joyeux. Uniquement par bon coeur. Imagine que la police les ait repérés avant moi, tu crois qu’elle leur aurait donné quelques billets ? Elle les aurait coffrés, oui. Tandis que moi, le grand Corléoné au coeur généreux, par pure bienveillance, je voulais éviter qu’ils finissent en prison ou qu’ils passent le reste de leur vie sans un sou. Alors, par humanité, je leur ai proposé de prendre la tête en or massif avec moi, et de leur donner une petite liasse de billets pour assurer leur futur.
Patrick Huet : Ce n’est pas la version que j’ai entendue. Au contraire, on raconte par ici que c’est vous qui avez commandité ce vol. Et que cette liasse de billets n’était que la rétribution de leurs services.
Corléoné : Mensonge ! De toute façon, je n’ai rien récupéré. Les punks se sont fait rattraper par les Magons chez qui ils l’avaient volée. Et, moi, j’ai perdu la tête.
Patrick Huet : Et quelques sous aussi.
Corléoné : Ne m’en parle, cela me fait mal au coeur ! Tu sais ce que ça coûte deux hommes armés jusqu’aux dents pour seconder leur chef durant trois semaines. L’hôtel et tout le reste. Sans compter la limousine et les dessous de table pour acheter des renseignements. Je ne suis pas près d’oublier cette escapade à Lyon… Et ne parle pas de cela dans ton prochain livre ! Le grand Corléoné n’aime pas qu’on évoque ses déboires.
Patrick Huet : Pas de soucis, Corléoné. En attendant, profitez des beautés de la ville. Avec ou sans fortune, les lumières de la ville de Lyon sont toujours aussi merveilleuses. Au revoir.
Remarque.
Corléoné apparait dans « Pénélope ou le mystère des trois vertus », un roman sur les mystères de Lyon qui parle notamment du vol de la Tête d’Or et de ce qui se passe dans les souterrains de la ville et qui est présenté à cette page Pénélope..
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